Les Grigris de Sophie ce sont bien sûr des broches, des colliers et des sacs … mais c’est aussi un blog !

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Mais c’est aussi un blog ! Un blog dans lequel je parle de CEUX et de CE que j’aime …
HHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Vous trouverez ici des artistes, des lieux insolites, des recettes, des films, des expositions, des musiques, des spectacles, des photographies d’amis ….
Tout ce qui rend la vie meilleure, tout ce qui rend ma vie meilleure !

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dimanche 24 juin 2012

LES LIVRES OBJETS DE MICHEL BUTOR


Alain Cadet me confie un texte sur un artiste exceptionnel et une idée que je juge fabuleuse ...
Travail à quatre mains, facéties d'un vieil homme (mais oui Michel Butor, puisque c'est de lui qu'il s'agit,  est quand même né en 1926 !), lisez surtout ce texte en entier, moi  cette expérience me fait rêver et m'enthousiasme !







Michel Butor, les livres objets, la peinture et les peintres


En mai 2012, à l’occasion d’une exposition des photographies de son ami, Maxime Godard, Michel Butor est revenu dans sa commune natale, à Mons-en-Baroeul, dans la banlieue de Lille. Sur certaines photos de Maxime, Michel a ajouté un petit poème. Ce n’est pas la première fois. Le photographe et l’écrivain ont publié, ensemble, plusieurs « Livres–objets». Le texte, imaginé par Michel Butor est écrit à la main puis recopié sur une petite dizaine d’exemplaires. Ces livres-objets, fruit d’une collaboration avec plusieurs dizaines d’artistes, sont représentatifs du travail contemporain de l’écrivain. En 2011, Michel Butor en a réalisé l’inventaire et en a compté 2014 en langue française.

Voici comment l’écrivain explique ce travail particulier:


« Qu’est-ce que j’écris aujourd’hui ? Essentiellement des poèmes et des petits livres en collaboration avec des artistes ! Vous savez, je suis un écrivain très âgé. J’ai beaucoup écrit et beaucoup publié au cours de ma vie. D’ailleurs on peut même trouver en librairie une édition de «mes œuvres complètes ». Le terme n’est pas complètement exact… tant que je vis, j’écris encore des choses. Malgré tout, pour ce qui est de mon œuvre, je considère que désormais, « c’est fait ! ». Je serais désormais incapable d’écrire un roman ou un essai. Pour cela, il faut pouvoir ramasser énormément d’énergie... même les préfaces, je n’en écris plus guère.

Ce que j’écris maintenant c’est une sorte de coda de mon œuvre : des textes en liberté ! Ce sont souvent mes amis les peintres qui me sollicitent et me forcent à écrire. Ils conçoivent des livres à partir de leurs images et me demandent d’y ajouter un texte. En général ça marche ! D’autres, parfois, ne sont pas très contents. Pour ce qui est du livre sur Dirk Bouts, dont on parle aujourd’hui, il ne sait pas ce que j’ai écrit sur lui et ne se plaint pas! Ce travail me plaît. Il me permet de rester jeune. Voilà comment ça se passe, en général. L’artiste m’envoie sept exemplaires de son livre contenant ses images. Pas plus ! Comme je recopie chaque exemplaire à la main, écrire en plus grand nombre serait trop fastidieux ! Chez moi, il y a plusieurs piles de projets en attente. Il se produit, dans mon bureau, comme un embouteillage. Il ne faut pas être trop pressé. Il faut que cela mature dans ma tête. Un jour, l’idée me vient et je me dis, tiens, je vais pouvoir écrire tel ou tel livre. Je n’ai pas d’idée précise sur le texte avant d’avoir vu le livre. Je ne me presse pas. J’écris mon texte à feu doux. Son écriture doit être aussi une forme de découverte pour moi.

Il reste des endroits qui sont libres sur la page. Ils peuvent être très limités - juste sous l’image - ou, au contraire, avec des pages entières complètement vierges. Le format compte beaucoup aussi ! Quand c’est un format à l’italienne, je fais souvent des phrases très longues et très compliquées. Si le format est étroit, le mieux c’est d’écrire des vers. J’écris généralement des octosyllabes : c’est quelque chose de très facile et qui semble avoir été créé pour moi ! Je peux évoquer les images de la page ou au contraire m’en écarter. Parfois je mets de la couleur. J’utilise des encres de couleurs différentes particulièrement lorsque les images en noir et blanc. La couleur du texte retentit sur l’image noir et blanc de l’artiste. Elle est aussi choisie en fonction de ce que j’écris.

Ces petits livres sont très différents des essais que j’écrivais, jadis, sur la peinture. Quand on écrit, sur un peintre ou sur un tableau, il y a l’œuvre et la culture du peintre. Il appartient à son époque et s’explique par son environnement. Il y a aussi tout ce qu’on a pu dire, au cours des siècles, sur sa peinture. Enfin, il y a un point de vue contemporain qu’on peut et doit avoir à propos d’un tableau d’un siècle passé. C’est le cas lorsque j’ai écrit sur Delacroix. L’œuvre est monumentale. Il existe beaucoup de textes différents, écrits au cours des siècles. Ils ont alimenté ma réflexion et nourri mon propre texte.

Lorsque j’entame un Livre-objet, je commence par faire un brouillon sur une feuille de papier. Puis et puis je le recopie directement dans le premier livre. Il faut noter qu’aucun des sept livres n’est jamais totalement identique à un autre. Comme j’écris à la main, chaque exemplaire est le brouillon du précédent. Je peux changer la disposition et même le texte. Il me vient des idées nouvelles. Je perfectionne le texte d’origine au cours de mes recopies successives. Du coup chaque livre est un objet unique. Souvent, le peintre procède de la même façon : il y a des différences d’un livre à l’autre, dans ses images dessinées à la main.

Je ne vends pas ces livres, mais l’artiste le fait le plus souvent… parfois à un prix raisonnable, parfois très cher ! Il peut arriver que certains livres soient reproduits en fac-similé par un éditeur. C’est intéressant parce que, dans ce cas, on peut en diffuser un assez grand nombre.

J’ai toujours aimé la peinture et les peintres. Ce n’est pas du tout un hasard si j’écris avec eux. J’aime leur façon de vivre. Ils ont choisi un mode de vie particulier. Ils vivent dans des ateliers (enfin pour ceux qui ont réussi… J’en ai aussi connu beaucoup qui tentaient de peindre dans une chambre de bonne.) L’atelier, c’est un lieu de vie éclairé et spacieux, c’est un lieu de liberté. C’est un endroit où le désordre fait partie de la création. Le peintre crée une œuvre destinée à être entourée d’un beau cadre et à être exposée sur le mur lisse d’un musée. Mais dans sa matrice, posée dans un coin d’atelier, elle exprime quelque chose de différent. Voir peindre est un spectacle. On voit l’œuvre naître et grandir. Le travail du peintre en action est un bonheur. »



(photos de Maxime Godard)


*** Les rencontres d'Alain Cadet

*** Si vous possédez une de ces merveilles envoyez moi une photo elle trouvera place sur mon blog !


1 commentaire:

beatrice De a dit…

J'adore ce bonhomme. Je n'ai hélas rien de lui. Une galerie trés spéciale à Lausanne, tiens des *choses* de lui.